Café philo du mois d'octobre 2007




Quelques idées pour une réflexion sur le théâtre ?

Théâtre et pouvoir :


Dès son apparition en Grèce, le théâtre a suscité l'intérêt du pouvoir. Intégré dans le fonctionnement même de la cité athénienne, il fut d'abord un instrument de la démocratie, puis, quelques siècles plus tard à Rome, un moyen de canaliser les ardeurs du peuple et de le distraire de la réalité. Revenu au cœur de la vie urbaine, à l'époque médiévale, il eut partie liée avec l'imaginaire collectif de la chrétienté avant d'éveiller l'intérêt de la monarchie, particulièrement en France, puis d'être mis sous surveillance à cause même du rôle qu'il pouvait jouer dans le débat politique et social. À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, cependant, le théâtre se libérait de ses liaisons avec l'État, au fur et à mesure qu'il devenait un art de divertissement, en consonance avec les idées dominantes. La puissance publique s'est repliée alors sur son pré carré, en réservant ses soins au patrimoine dont elle avait la charge et à l'enseignement qu'elle devait contrôler : il n'était plus question de mécénat d'État en dehors de la Comédie-Française et de l'Opéra, et encore moins d'une intervention publique dans l'organisation de la vie artistique et dans la diffusion des œuvres. Mais avec le triomphe de la société industrielle surgit de nouveau, à partir des années 1890, l'idée qu'il ne suffisait pas que l'État prenne en charge l'instruction du peuple, mais qu'il y avait lieu d'assurer à chacun un accès égalitaire aux productions de l'art et de la pensée. Il faudra une cinquantaine d'années pour que cette revendication débouche en France sur l'élaboration d'une politique culturelle proprement dite, dont le théâtre sera pendant longtemps le fer de lance.
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Théâtre et création :



Persuadé que le théâtre « est aussi indispensable à l'homme que le pain », l'Américain d'origine allemande Peter Schumann (né en 1934), sculpteur, musicien et chorégraphe, crée en 1962 une troupe, dans un quartier de Manhattan, pour présenter des spectacles hors des théâtres, dans la rue et autres espaces publics. À partir de matériaux simples - papiers, terre glaise, toiles -, il réalise des masques, des figurines, et des marionnettes à fil ou à gaine, petites ou géantes (certaines feront de 3 à 4 m de hauteur), destinées à mettre en scène, sous la forme de paraboles et de mystères, une vision contestataire de l'Amérique et de la société contemporaines. Ses thèmes de prédilection seront la guerre du Vietnam, la pauvreté, le désarroi écologique. Avec ses collaborateurs, comédiens, marionnettistes et plasticiens, Peter Schumann s'inspire aussi de la Bible, des légendes, des spectacles traditionnels (les cantastorie et l'Opera dei pupi siciliens) ou de fêtes religieuses (il présentera, à Noël et à Paques, des spectacles liés à la Nativité et à la Passion), pour créer une imagerie métaphorique du monde moderne. Il en résulte un théâtre simple, dégageant une grande puissance artistique, dans son expression narrative, ses formes et couleurs, ses mouvements, sa musique et sa capacité d'insertion dans l'espace urbain, comme plus tard dans des lieux clos. Le Bread and Puppet, va ainsi imposer dans les années 1960-1970, une esthétique théâtrale inédite, capable d'associer l'épique au ludique, totalement adaptée, dans le contexte de l'époque, à sa volonté de participer à « un éveil des consciences ». Il fait partie de ces troupes qui, avec Grotowsky ou Barba, la Mama de New York, le Living Theater ou le Teatro Campesino, ont élaboré ce qu'on pourrait caractériser comme un « messianisme théâtral », en occupant à nouveau le cœur de la cité et en remettant en cause le traditionnel rapport acteur-spectateur.
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